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«Syria». MrMudag/Deviantart, 2013-2014
«Syria». MrMudag/Deviantart, 2013-2014

La Syrie est à nouveau sous les projecteurs, mais c’est bien plus parce que l’Organisation de l’État islamique (OEI) défraie la chronique que par la grâce d’un intérêt renouvelé pour le conflit syrien. Bassma Kodmani, directrice de l’Arab Reform Initiative, est également connue pour avoir été porte-parole du Conseil national syrien (CNS) qu’elle a quitté en août 2012. L’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) organisait le 21 octobre une rencontre avec elle.

Quel regard porte-t-elle sur la « crise syrienne » ? Quels sont les rapports de force sur le terrain entre les acteurs du conflit ? Quelles seraient les conditions favorables à une sortie de crise ? Telles sont les questions posées à Bassma Kodmani au début de cette rencontre dans les locaux de l’iReMMO.

« Est-ce qu’on s’en sortira ? En tant que Syrienne, c’est surtout la recherche de solutions qui me mobilise, qui me motive et qui m’occupe », commence-t-elle, avant d’ajouter que pour y réfléchir utilement, il faut avoir une vision claire de l’état actuel de la situation des forces en présence.

Depuis trois ans, on assiste à un combat entre le régime de Bachar Al-Assad, un mouvement de résistance au départ pacifique qui s’est militarisé, l’Armée syrienne libre (ASL) et le (désormais) auto-proclamé « État islamique »1. Ce groupe a gagné en un an un terrain considérable et occupe au moins un quart du territoire syrien. Comment a-t-il pu s’étendre de la sorte ? Le mois de septembre 2013 est une date-clé dans le conflit parce que les cartes des forces en présence ont été redistribuées lorsqu’ il a été un temps question, pour les États-Unis et la France, de riposter par des frappes aériennes à l’utilisation d’armes chimiques par le régime Assad et qu’il ne s’est finalement rien passé. Sinon que le régime, à l’abri des représailles, a repris le contrôle de certaines zones, lancé quelques grandes offensives qui ont privé l’ASL de sources d’approvisionnement, de voies de communication et reconquis certaines poches importantes. Pendant ce temps, et sans être le moins du monde inquiété, l’Organisation de l’État islamique (OEI) commençait à grignoter du territoire de façon substantielle.

Une véritable armée

Entre janvier et mai 2014, l’ASL repousse l’OEI hors de zones importantes dans le nord du pays. Le mouvement se replie sur l’Irak et y trouve des appuis au sein d’une communauté sunnite frustrée du sort qui lui était fait par le régime de Nouri Al-Maliki. Des appuis, mais surtout des ressources considérables : de l’argent, des zones pétrolières, des raffineries de pétrole et des dépôts d’armes très importants, contenant entre autres des armes anti-aériennes. Et revient en force en Syrie.

L’ASL n’est plus en mesure de combattre un mouvement devenu une véritable armée. Le régime, de son côté, ne fait absolument rien contre cette organisation. Les colonnes de blindés de l’OEI passent sans subir le moindre dommage, alors que des barils de TNT sont lancés en permanence contre la population syrienne.

Une coalition internationale décide alors de frapper, par des campagnes aériennes principalement, et essentiellement en Irak, car la Syrie est considérée comme un théâtre secondaire, les États-Unis estimant que seul le sort de l’Irak est sous leur responsabilité. « Barack Obama, aussi réticent soit-il, sait que la situation irakienne, c’est son problème. Et que la situation syrienne, il peut encore essayer de ne pas en faire son problème », note Kodmani. La stratégie de Washington est donc exclusivement définie par rapport à l’Irak, même si la Syrie en subit les éclaboussures.

Pendant que la campagne aérienne contre l’OEI a lieu en Irak et déborde en Syrie (en particulier à Kobané), le régime triple l’intensité de ses bombardements des forces de l’ASL et des zones civiles. Dans la communauté internationale, on est à la fois dans le non-dit et le court terme : il faut combattre militairement l’OEI, l’ennemi public n° 1. Militairement seulement, car aucune activité diplomatique n’est employée pour chercher en parallèle une solution politique pour la Syrie, où Bachar Al-Assad, l’ennemi n° 2, est considéré comme jouant un « second rôle ».

La suite de l'article sur : ORIENT XXI

Tag(s) : #Syrie, #EI, #DAECH