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Poutine décide de faire intervenir l'armée russe en Ukraine

Nicolas MILETITCH
Agence France-Presse

Le président Vladimir Poutine a obtenu samedi du Parlement russe le feu vert pour un «recours aux forces armées» en Ukraine, tandis que la situation se dégradait rapidement en Crimée et dans d'autres régions pro-russes gagnées à leur tour par des turbulences séparatistes.

Réuni en session extraordinaire, le Conseil de la Fédération (Sénat), a approuvé à l'unanimité une demande en ce sens présentée peu auparavant par M. Poutine.

«En raison de la situation extraordinaire en Ukraine et de la menace pesant sur la vie des citoyens russes, de nos compatriotes, des forces armées russes déployées en Ukraine», M. Poutine a demandé d'autoriser «le recours sur le territoire de l'Ukraine aux forces armées russes jusqu'à la normalisation de la situation politique dans ce pays», selon le Kremlin.

Cette formule laisse entendre que la Russie peut aussi bien utiliser les forces de la Flotte russe de la mer Noire, qui se trouvent déjà en Crimée aux termes d'un accord bilatéral signé entre Moscou et Kiev et comptent environ 20 000 hommes basés à Sébastopol, qu'envoyer d'autres troupes venant, elles, de Russie.

Son éventuelle mise en oeuvre est désormais entre les mains de M. Poutine: «C'est le président qui prend la décision. Pour le moment, il n'y a pas de décision en ce sens», a affirmé son porte-parole Dmitri Peskov.

Plus tôt dans la journée, le nouveau Premier ministre de Crimée, Serguiï Axionov, que Kiev considère comme illégitime, avait sollicité l'aide de Vladimir Poutine pour restaurer «la paix et le calme» dans la péninsule ukrainienne.

A Kiev, les nouvelles autorités pro-européennes ont réagi en convoquant immédiatement le Conseil de sécurité nationale et de défense. L'un des principaux responsables politiques ukrainiens, l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, a de son côté appelé le Parlement à proclamer la «mobilisation générale» face à ce qu'il a qualifié d'«agression russe» en Ukraine.

Le Conseil de sécurité de l'ONU doit tenir de nouvelles consultations à huis clos samedi après-midi à New York sur la situation en Ukraine et en Crimée, ont indiqué des diplomates. Cette réunion, la deuxième convoquée en urgence en deux jours sur ce dossier, rassemblera à 14 h les ambassadeurs des 15 pays du Conseil, à la demande du Royaume-Uni.

Le Sénat russe a par ailleurs indiqué qu'il allait demander au président Vladimir Poutine le rappel de l'ambassadeur russe aux États-Unis. Selon le vice-président du Sénat Iouri Vorobiev, le président Barack Obama a franchi une «ligne rouge» et «humilié le peuple russe» en déclarant vendredi que toute intervention militaire en Ukraine aurait «un coût».

Multiples points chauds

Pendant ce temps, les points chauds se multipliaient dans l'est et le sud russophones de l'Ukraine, selon des correspondants de l'AFP, qui ont observé des irruptions d'hommes armés dans plusieurs sites stratégiques ou d'importantes manifestations pro-russes. La capitale, Kiev, semblait en revanche tranquille samedi après-midi.

Une centaine de personnes ont été blessées à Kharkiv (est de l'Ukraine) en marge d'une manifestation pro-russe qui a conduit à la prise d'assaut du siège de l'administration régionale par quelque 300 manifestants. Des partisans des nouvelles autorités pro-occidentales de Kiev s'y seraient barricadés.

À Donetsk, fief du président déchu Viktor Ianoukovitch dans l'est de l'Ukraine, les autorités ont indiqué envisager un référendum sur le statut de la région du Donbass, comme il est déjà prévu en Crimée, et un drapeau russe a été hissé au-dessus du conseil régional.

Plus de 10 000 personnes avaient manifesté samedi matin contre les nouvelles autorités de Kiev. Sur un podium improvisé, des intervenants déclaraient soutenir «l»aspiration de la Crimée à rejoindre la Russie».

En Crimée, épicentre jusqu'ici de la crise, Kiev a accusé la Russie de déployer des milliers d'hommes supplémentaires. «La Russie a accru (le nombre de) ses troupes de 6000 hommes» en Crimée, a affirmé le ministre de la Défense Igor Tenioukh.

Près de 30 blindés ont aussi été déployés, a-t-il dit, dénonçant une «violation grossière» des accords régulant la présence de la flotte russe de la mer Noire en Crimée.

«La présence inadéquate des militaires russes en Crimée est une provocation», mais «les tentatives de faire réagir l'Ukraine par la force ont échoué», a averti le Premier ministre Arseni Iatseniouk.

Selon lui, la Russie tente actuellement de répéter le scénario mis en oeuvre en 2008 dans la région géorgienne séparatiste d'Ossétie du Sud, où elle avait lancé une opération militaire éclair contre les autorités de Tbilissi, et dont elle a fini par reconnaître l'indépendance.

Au titre de la présence de sa flotte de la mer Noire, la Russie a le droit de déplacer des troupes dans la péninsule mais elle doit en informer les autorités ukrainiennes 72 heures à l'avance, ce qui n'a pas été fait, selon le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Dechtchitsa.

Plusieurs sites stratégiques de la péninsule sont désormais sous le contrôle d'hommes armés et en uniformes, mais sans signe permettant de les identifier. Ils contrôlent les aéroports de Simféropol, capitale de la Crimée, de Sébastopol, de Kirovske, ainsi que le centre de Simféropol, et ont hissé le drapeau russe sur plusieurs bâtiments officiels.

À Sébastopol, un commando d'environ 300 hommes se disant mandatés par le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a assiégé dans la matinée le QG des gardes-côtes ukrainiens. Les assaillants ont dit avoir reçu du ministre «l'ordre d'occuper cette unité». Le conseil municipal a déclaré de son côté ne plus reconnaître le pouvoir en place à Kiev, et indiqué être en faveur de la tenue du référendum sur le statut de la Crimée annoncé pour le 30 mars.

Obama «inquiet»

Les Occidentaux n'avaient pas fait mystère ces dernières heures de leur vive inquiétude quant aux derniers développements en Crimée.

«Ce que nous vivons actuellement en Crimée nous inquiète», a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel lors d'un discours à Berlin. «Naturellement, ces jours-ci, tout doit être fait pour préserver l'intégrité territoriale» de l'Ukraine, a-t-elle dit, ajoutant qu'elle «et beaucoup d'autres s'y efforcent lors de nombreux d'entretiens téléphoniques avec le président russe et les responsables ukrainiens».

«Il faut tout faire pour que l'intégrité territoriale du pays soit totalement respectée», a estimé le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault.

Le président américain Barack Obama s'est déclaré vendredi «profondément inquiet» devant les informations sur des mouvements de troupes russes en Ukraine et a mis Moscou en garde contre toute «intervention militaire».

Le président déchu Viktor Ianoukovitch, recherché en Ukraine pour «meurtres de masse» après la répression qui a fait 82 morts dont une quinzaine de policiers à Kiev la semaine dernière, avait refait surface vendredi à Rostov-sur-le-Don en Russie et déclaré être toujours «le président légitime de l'Ukraine».

Lundi, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne doivent tenir en urgence à Bruxelles une réunion sur la situation en Ukraine.

Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Union européenne vont se réunir en urgence lundi pour évoquer la situation en Ukraine, a annoncé samedi la chef de la diplomatie de l'Union européenne Catherine Ashton.

Mme «Ashton convoque un conseil extraordinaire des ministres des Affaires étrangères sur les développements en Ukraine lundi 3 mars. La réunion commencera à 13 h (7 h à Montréal)», a-t-elle annoncé sur Twitter.

La réunion de lundi sera la deuxième des chefs de la diplomatie des 28 pays membres de l'UE consacrée à la situation en Ukraine en moins de deux semaines. Le 20 février, les ministres des Affaires étrangères de l'UE avaient décidé de geler les avoirs et de priver de visas les responsables de la violence et d'un recours excessif à la force en Ukraine.

L'annonce de la réunion d'urgence lundi à Bruxelles intervient au moment où le recours à l'armée russe en Ukraine a été approuvé par le Conseil de la Fédération (sénat) russe à la demande du président Vladimir Poutine. À Kiev, les nouvelles autorités ukrainiennes ont appelé à la «mobilisation nationale».

De son côté, le Conseil de sécurité de l'ONU doit lui aussi se réunir à nouveau dès samedi à New York au sujet de l'Ukraine.

«Il faut que toutes les parties en Ukraine puissent se mettre autour de la table, à notre instigation, et qu'on arrête l'escalade», a déclaré le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders.

«Je peux comprendre la volonté d'une partie de la population d'accélérer le processus en Ukraine, suite à l'accord que nous avions poussé la semaine dernière, mais c'était prendre un risque important de voir la situation» dégénérer. La réaction russe ne me surprend pas outre mesure, mais aujourd'hui, il me semble urgent de rétablir le dialogue», a-t-il dit au journal Le Soir.

Les sanctions décidées par l'UE n'ont pas encore été imposées ou détaillées, et les responsables visés non précisés. À l'origine, le président déchu Viktor Ianoukovitch ne devait pas être visé par les sanctions afin de laisser la porte ouverte à un dialogue. Mais sa décision de fuir en Russie a modifié la donne, ont estimé des diplomates européens s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt a estimé sur son compte Twitter que la situation actuelle était «la pire crise européenne depuis longtemps. Nous avons besoin d'une UE solide dans une Europe instable».

Selon ces diplomates, un gel des avoirs et une privation de visas visant plusieurs hauts responsables à l'origine de l'usage excessif de la force contre les manifestants devraient probablement être décidés.

Les nationalistes appellent à la mobilisation générale

Le parti nationaliste ukrainien Svoboda et le groupe d'extrême droite Pravy Sector, en première ligne de la contestation en Ukraine, ont appelé samedi à la «mobilisation générale» après l'approbation en Russie d'un «recours à la force» armée en Ukraine.

«C'est la guerre! La société ukrainienne doit se mobiliser au maximum», a indiqué Svoboda dans un communiqué en appelant le président par intérim Olexandre Tourtchinov à considérer le pays comme «en état de guerre» et à «lancer la mobilisation générale».

Pravy Sector (Secteur droit), groupe d'extrêmes droite en première ligne lors des affrontements meurtriers entre les manifestants et la police ces dernières semaines à Kiev, a, pour sa part, appelé ses partisans à «se mobiliser et à s'armer d'urgence» face à l'intervention de Moscou.

Les deux mouvements ont assuré la garde des barricades pendant les trois mois de la contestation dans le centre de Kiev, qui s'est soldée par un bain de sang (près de 100 morts) et la destitution la semaine dernière du président Viktor Ianoukovitch.

Plusieurs membres du parti Svoboda, qui est représenté au Parlement, sont entrés dans le gouvernement de transition nommé cette semaine.

Environ 143 000 personnes ont quitté l'Ukraine pour la Russie depuis les récents événements qui secouent l'ancienne république soviétique, ont indiqué samedi des responsables russes.

«Selon les données du service des gardes-frontières, 143.000 personnes ont quitté l'Ukraine pour la Russie depuis le début des événements» dans ce pays, a déclaré le sénateur Evgueni Bouchmine, soulignant que les deux pays avaient une frontière sur près de 2000 km.

Une responsable du Service fédéral russe des migrations, Valentina Kazakova, a avancé le même chiffre.

«Les événements tragiques en Ukraine ont provoqué une hausse considérable du nombre de demandes adressées aux services migratoires régionaux», a déclaré Mme Kazakova à l'agence officielle Itar-Tass.

«Au cours des deux dernières semaines de février, environ 143 000 personnes ont déposé une demande. Les gens sont confus, effrayés et déprimés», a-t-elle ajouté.

Le gouverneur de la région de Briansk (à la frontière ukrainienne), Nikolaï Denine, a déclaré à Itar-Tass avoir constaté un «afflux de citoyens ukrainiens qui veulent rester en Russie jusqu'à ce que la situation dans le pays se normalise».

De son côté, le gouverneur de la région de Rostov, Vassili Goloubev, a lui aussi indiqué avoir observé «un afflux de citoyens ukrainiens en Russie».

Source: Lapresse.ca

Tag(s) : #Ukraine, #Russie, #Poutine, #Actualité