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Qui est Alain Finkielkraut ?

Mis à jour le 10 avril 2014
Pour E&R par la revue Faits & Documents

Ce jeudi 10 avril, l’ancien militant maoïste libertaire devenu un philosophe néocon (pro-américain, ultrasioniste), à l’instar de son maître Benny Lévy, a été élu au fauteuil laissé vacant par Félicien Marceau à l’Académie française. Positionné au cœur de l’intellocratie française, ce familier des plateaux de télévision et animateur de Répliques sur France Culture a su conquérir une large partie du public conservateur à l’aide de formules brillantes (« l’antiracisme est le communisme du XXIe siècle »). Exaltant aujourd’hui les racines de la France (« j’ai la nostalgie de la France »), il en fut pourtant l’un des contempteurs, participant largement à la destruction des valeurs identitaires. Comme quoi, les donneurs de leçons d’un jour seront les donneurs de leçons de demain, même en s’étant plus que souvent trompés.

« Je suis très nostalgique de la gauche mendésiste. »

Alain Finkielkraut, Le Point (10 octobre 2013)

« Il appartient à la gauche sioniste qui ne supporte pas qu’on attente au rêve d’Israël. »

Philippe Gumplowicz, Le Nouvel Observateur (17 octobre 2013)

« Il fait honneur à l’intelligence française. »

Nicolas Sarközy, 4 décembre 2005

« Pour Finkielkraut, défendre la France revient à défendre Israël et vice-versa. »

Le Figaro Magazine (23 août 2013)

« Dès 2003, il écrit que les enfants des cités pour lesquels il défilait au nom de l’antiracisme portent l’antisémitisme d’aujourd’hui. »

Marianne (5 juin 2010)

Une famille de « juifs de Kippour »

Alain Finkielkraut est né le 30 juin 1949 à Paris. Son père, Daniel Finkielkraut (1904-1998), maroquinier rue Jean-Pierre-Timbaud (Paris XIe), était né à Varsovie, où il fut inscrit au Maccabi (club de sport juif). Arrivé en France dans les années trente, il sera déporté en juin 1942 tandis que sa future femme, une juive allemande née en 1920 à Lwow (autrefois en Pologne, aujourd’hui en Ukraine), passa l’Occupation à Anvers avec de faux papiers. Mariés en 1948, ils furent naturalisés en 1950, en même temps que leur fils, qui avait alors un an. On parlait yiddish à la maison et le père, sioniste de la première heure, recevait chaque matin le quotidien yiddish Unser Wort (« Notre parole »).

Ne fréquentant pas la synagogue et ne célébrant que Roch Hachana et Kippour, Alain Finkielkraut n’a pas été élevé dans la religion stricto sensu, n’ayant même pas été circoncis. Le Point du 10 octobre 2013 indique :

« Timide, il ne vous regarde pas au visage, il regarde juste en dessous […]. On ne le connaissait pas guilleret, ce grand bonhomme de 1,83 mètre voûté par le poids du monde, de l’étude et de l’intelligence. De l’“intellijuiverie”, selon le mot d’Albert Cohen. Finkielkraut n’est pas circoncis (ses parents tenaient à ce que leur fils unique soit “assimilé”), il ne met presque jamais les pieds dans une synagogue et il ne fait pas Kippour, mais, en bon “juif imaginaire”, il a un rapport viscéral à Israël, et ça lui plaît d’être surnommé “mon Rabbi” par l’une de ses amies. »

Ses parents l’inscrivent à l’école élémentaire des Récollets (Paris Xe) sous le nom de Fink pour éviter les jeux de mots et l’éduquent en langue française : « Ils avaient une telle haine de la Pologne qu’ils n’ont pas voulu me refiler la langue » (Libération, 19 avril 1999). Comme le résumaitL’Evénement du jeudi (16 janvier 1992) :

« Il a gardé “une nostalgie inépuisable pour la vie juive d’Europe centrale” dont ses parents sont originaires. Autrefois on aurait dit de lui : c’est un juif de gauche. »

Vis-à-vis du judaïsme, Alain Finkielkraut a donc toujours nourri un complexe, se voulant à l’intérieur alors qu’il était, comme non-circoncis, à l’extérieur : « La culture juive lui reste extérieure, il est dans un effort permanent d’affirmation. Il y a chez lui une jouissance inavouée à croire revivre ce que ses parents ont vécu », dit à son propos Théo Klein, ancien président du CRIF (décembre 2005). Ce qui le conduit à tout mélanger allègrement. Dans l’hebdomadaire officiel du PS, L’Unité, il écrivait en 1987 (n° 593) :

« Il y a toujours un dérapage possible, il y a toujours l’ambiance de pogrom, qui s’installe dans un pays quand le racisme, au lieu de n’exister que dans le secret des consciences ou dans les conversations particulières, trouve un écho massif dans la vie publique. Le rôle de la politique ici, c’est d’endiguer les pulsions agressives, l’abjection individuelle. Le Pen fait l’inverse. Au lieu d’endiguer, il flatte. Il est le courtisan des passions basses […]. Il n’en reste pas moins qu’en disant tout haut ce que d’autres pensent tout bas, ou ce que lui-même pense tout bas, donc en abolissant les frontières entre le public et le rentré, Le Pen fait un travail de sape, un travail d’anticivilisation, de décivilisation, très grave. Sa formule tant appréciée, c’est la formule même de décivilisation. »

Dans Actualité juive (1er mai 2002), « Finkie » racontait :

« En juin 1985 j’étais en Israël. Je suis passé à la télévision lors d’une émission tardive. On m’a demandé si j’étais marié. J’ai répondu : “Non.” On m’a posé une question rituelle : “Épouseriez-vous une non-juive ?” J’ai répondu que la mère de la femme que j’aimais avait porté l’étoile jaune alors même qu’elle n’était pas juive selon la halacha. J’ai ajouté : “Je serai très heureux que cette femme (juive par son grand-père) accepte de m’épouser.” Le lendemain elle venait me rejoindre en Israël. Je suis allé la chercher à l’aéroport. Sur le chemin du Kibboutz où j’habitais nous nous sommes retrouvés à un arrêt d’autobus au milieu de nulle part comme il y en a beaucoup en Israël. Un homme est arrivé avec un sac de plastique à la main. Il nous a dévisagés, puis s’adressant à la jeune femme qui était à mes côtés et qui n’était au courant de rien, il a dit : “You should marry that man.” Je dois beaucoup à Israël ».

C’est ainsi qu’il a épousé Sylvie Topaloff (1985), une ex-gauchiste rencontrée en 1980. Ils militaient alors tous deux pour une candidature de Michel Rocard (Marianne, 5 juin 2010). Avocate, Sylvie Topaloff a, par exemple, défendu la CGT lors des procès de l’amiante ou encore plaidé en faveur d’Yvette Sultan, médecin transfuseur mis en examen, par le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, dans l’affaire du sang contaminé. Alain Finkielkraut exprimera d’ailleurs publiquement tout le mal qu’il pense du juge en question, qui « prend fait et cause pour les victimes » avec un « zèle compatissant (Le Point, 7 mars 2002). Ils ont eu un fils, Thomas, à la fin des années 80. Ce dernier chronique ses sorties aux matchs de football en compagnie de ses parents et de Yasmina Reza dans le mensuel Causeur d’Élisabeth Lévy, une amie de la famille (« Toi aussi, encule les Niçois ! », octobre 2011). À propos du mariage mixte on rappellera ce propos récent de « Finkie » :

« Le métissage, c’est le mariage mixte ! Vraiment ! En tant que juif je ne devrais pas dire ça… Le juif en moi n’aime pas ça. Il y a cette idée que ce peuple juif, aussi vieux que le monde continue à vivre. Je le souhaite. Mon fils épouserait une non-juive, je n’en serais pas malheureux comme l’auraient été mes grands-parents, mais je ne sauterais pas de joie !. » (Nouvelles d’Arménie Magazine, décembre 2013)

Alain Finkielkraut : de Mao à Moïse

Fils unique, Alain Finkielkraut est passé par le lycée Henri IV. Il a d’abord très longuement milité à l’extrême gauche, au sein des rangs maoïstes, dans la Gauche prolétarienne de Pierre Victor, de son vrai nom Benny Lévy, pro-palestinien fanatique qui fera sa téchouvah, deviendra un juif orthodoxe et se fera professeur dans une yeshiva fondamentaliste à Jérusalem (et que Finkielkraut rejoindra en 2001 pour assurer l’État d’Israël de son soutien entier, en compagnie de Bernard-Henri Lévy) :

« Le mythe fondateur des gauchistes français, toutes tendances confondues, ce n’est surtout pas la révolution de 1917. Le mythe fondateur, c’est l’Affiche rouge, le combat contre Hitler. Nous avons tous eu honte d’être nés après. » (Les Juifs dans la politique française, 1991, p. 181)

En mai 1968, il chante Bella ciao, manifeste boulevard Saint-Michel, s’époumone dans les AG. Plus tard il s’essaiera au pétard et au LSD, non sans jouir « d’occuper la place inexpugnable de l’accusateur » comme il devait plus tard le reconnaître (Libération, 29 décembre 2005). « Alain Finkielkraut a donc fait son gauchisme comme on doit réussir ses versions latines » (Le Monde, 12 novembre 2013). Il expliquait dans Passages (juillet-août 1988) :

« J’avais l’impression que le fait d’être juif faisait de moi le porte-parole naturel des opprimés : les Black Panthers aux États-Unis, les peuples colonisés. Je croyais qu’il y avait a priori une sorte de fraternité des victimes de l’histoire.
– Je suppose que vous vous sentiez solidaire des Palestiniens ?
– Non, jamais. »

À cette époque, il ne rechigne pas aux longues heures de palabre avec Gérard Miller. Il gardera de solides amitiés comme Jean-Claude Milner, qui aura un parcours relativement parallèle à celui de Finkielkraut (son positionnement sur l’école étant largement inspiré par Milner) et qui prendra d’ailleurs la tête de l’Institut d’études lévinassiennes après le décès de Benny Lévy en 2003. En septembre 2007, lors d’une conférence intitulée « Les Ruses de l’universel, étude de cas : mai 68 et le gauchisme », Milner déclarait : « Moyennant la gauche prolétarienne, le gauchisme français est aussi une histoire juive » (rapporté par Le Monde du 29 avril 2008).

Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy et Benny Lévy à Jérusalem :

La suite de l'article sur: EGALITE & RECONCILIATION

Tag(s) : #Documents, #Finkielkraut, #Israel, #Sionisme