Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Etats-Unis réclament plus de 7 milliards d'euros à BNP Paribas

Le bon élève de la classe bancaire, passé entre les gouttes des subprimes, du Libor ou des traders fous, est en route vers le plus grand traumatisme de son histoire. BNP Paribas, qui a toujours placé sa réputation au coeur de ses priorités, est désormais menacée d'une gifle magistrale aux Etats-Unis.

La banque française, accusée d'avoir violé l'embargo décidé par les Etats-Unis à l'encontre de l'Iran, du Soudan et de Cuba, négocie depuis plusieurs semaines le montant des sanctions auxquelles elle s'est exposée entre 2002 et 2009.

Et les compteurs s'affolent pour atteindre désormais 10 milliards de dollars (7,35 milliards d'euros), selon le Wall Street Journal du jeudi 29 mai. En février BNP Paribas a annoncé avoir provisionné 1,1 milliard de dollars dans ses comptes pour faire face à ces poursuites. La banque française tenterait, selon des sources proches du dossier citées par le quotidien américain, de limiter l'addition à 8 milliards.

RÈGLEMENT À L'AMIABLE EN COURS DE NÉGOCIATION

Les négociations pourraient se poursuivre encore plusieurs semaines. Au-delà des pénalités financières, BNP Paribas cherche à éviter de perdre temporairement son autorisation de réaliser des transactions vers ou depuis les Etats-Unis. Une punition qui pourrait faire partie du règlement à l'amiable en cours de négociation, selon des sources proches du département des services financiers de New York.

Cela constituerait un sérieux revers pour BNP Paribas, qui réalise depuis sa base new-yorkaise, au travers de sa banque d'investissement, son activité de corporate-finance et celle de trading, une part substantielle de sa rentabilité.

Le groupe français est également propriétaire de la cinquième banque en Californie, Bank of the West. Une suspension, même temporaire, nuirait gravement à sa réputation auprès de ses clients et les avocats de la banque française mettent en garde contre des risques de déstabilisation du groupe.

Selon des proches des discussions engagées depuis quelques semaines entre le département de la justice américain, le Trésor, les autorités de régulation financière américaines et BNP, les transactions incriminées ont eu lieu entre 2002 et 2009 hors des Etats-Unis, depuis des pays où elles étaient légales. Mais elles l'ont été en dollars – donc ont été compensées à un moment donné sur le territoire américain –, ce qui les rend délictueuses pour les Etats-Unis.

LA BANQUE DE FRANCE À LA RESCOUSSE

Devant la presse, le 23 mai, Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, est venu à la rescousse de BNP Paribas. « Nous avons vérifié que toutes les transactions incriminées étaient conformes aux règles, lois, réglementations, aux niveaux européen et français », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il n'y avait « aucune contravention à ces règles ni aux règles édictées par les Nations unies ». M. Noyer a relevé que l'approche des Etats-Unis en la matière avait évolué et il a donc appelé toutes les banques européennes à être « vigilantes ».

L'amende colossale à laquelle est exposée la banque française représente environ une année de profits. La solidité du bilan, avec un ratio de solvabilité de 10,6 % au 31 mars, devrait permettre à la banque de franchir l'obstacle. Mais la justice américaine demande également à l'institution financière de plaider coupable, comme l'a fait Credit Suisse ce mois-ci, accusé d'avoir aidé 22 000 riches Américaines à contourner le fisc.

« FIN MARS, LE TON A CHANGÉ »

Jusqu'à cette affaire, les banques épinglées aux Etats-Unis n'avaient jamais eu à plaider coupable car le procureur craignait des effets systémiques si les régulateurs décidaient de retirer leur licence bancaire aux acteurs incriminés. « Mais l'aile gauche du Parti démocrate, très anti-banque, a mal pris que HSBC ait pu s'en sortir en 2012 sans conséquences pénales, alors que la banque avait organisé le transfert de valises de billets pour le cartel mexicain de la drogue. Cela a mis Eric Holder, le procureur général américain, sous pression. Il s'en va à l'automne et veut faire des exemples », souligne un banquier. « Fin mars, le ton a changé », reconnaît un proche de BNP Paribas.

Depuis 2009, les Etats-Unis procèdent avec méthode, pays par pays, pour sanctionner les banques européennes qui ont négligé les règles « made in USA ». Les Néerlandais et les Britanniques y sont passés, avec des amendes bien inférieures. Pas de chance pour BNP Paribas, qui était le suivant sur la liste.

Alors que BNP Paribas est l'un des plus gros contribuables en France, le fisc ne devrait pas être affecté. Selon le code général des impôts, « les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales (…) sont non déductibles du bénéfice imposable ». Vendredi 30 mai, l'action BNP Paribas perdait 5 % à l'ouverture, plus forte baisse de la Bourse à Paris.

Source: Le Monde

Tag(s) : #USA, #France, #Banque