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Uli Hoeness, la chute d'une idole allemande

14/03/2014 - Le Monde Sport

A trois mois du coup d'envoi de la Coupe du monde, l'Allemagne vient d'assister, médusée, à la chute d'une de ses icônes : le président du Bayern Munich. Uli Hoeness, sexagénaire à qui tout réussissait, tant sur le terrain que dans le monde des affaires, va en être réduit à regarder les matchs du fond de sa cellule.

Vendredi 14 mars, le patron du Bayern a annoncé non seulement qu'il démisionnait de la tête du club mais qu'il ne ferait pas appel de sa lourde condamnation. La veille, le tribunal de Munich l'avait condamné à trois ans et demi de prison pour avoir dissimulé au fisc plus de 27 millions d'euros.

« L'ERREUR DE MA VIE » , « L'OEUVRE DE MA VIE»

« Après discussions avec ma famille, j'ai décidé d'accepter la décision du tribunal de Munich. J'ai demandé à mes avocats de ne pas former de pourvoi en cassation, indique Uli Hoeness dans un communiqué. Cela correspond à ma conception de la décence, de la responsabilité personnelle. Cette évasion fiscale, c'est l'erreur de ma vie. Je tire les conséquences de cette erreur ».

« En outre, je démissionne, avec effet immédiat, de mes fonctions de président du FC Bayern Munich et du conseil de surveillance. Je veux préserver mon club de tout préjudice, poursuit-il dans le même document. Le FC Bayern Munich est l'oeuvre de ma vie et le restera toujours. Je resterai lié à ce club fantastique et à ses membres d'une autre manière, aussi longtemps que je serai en vie ».

Encensé par les médias et courtisé par les responsables politiques de tous bords, Uli Hoeness avait une passion cachée. Entre deux négociations pour attirer Franck Ribéry en Bavière ou, avec sa casquette d'industriel, pour vendre ses saucisses à McDonald's, il ne pouvait s'empêcher de spéculer en Bourse. Ce fils de boucher, jamais avare d'une pique contre les banquiers de Wall Street ou de la City, était en fait un véritable accro.

LE JOUR, LA NUIT, IL SPÉCULAIT

Son carburant ? Un prêt de 5 millions de deutschemarks (2,56 millions d'euros) et une caution de 15 millions accordés en 2000 par Robert Louis-Dreyfus, le patron d'Adidas. Une générosité légèrement suspecte quelques mois après l'entrée d'Adidas au capital du Bayern Munich dans des conditions semble-t-il avantageuses. Mais les faits sont prescrits et Robert Louis-Dreyfus est mort. Grâce à l'argent de ce « mécène » placé sur un compte suisse, Uli Hoeness pouvait s'en donner à coeur joie. Le jour, la nuit, pendant les mi-temps des matchs, il spéculait. Sur des actions, des monnaies, à la Bourse de Londres, Tokyo, Wall Street. Les enquêteurs ont dénombré plus de 33 000 opérations effectuées sur son compte suisse.

Si elle avait été révélée au fisc, cette passion n'aurait pas été illégale. Lors de l'ouverture de son procès, le 10 mars, Uli Hoeness avait reconnu avoir omis de déclarer 18,5 millions d'euros entre 2003 et 2009. En se dénonçant auprès de l'administration fiscale en janvier 2013, le patron du Bayern pensait pouvoir échapper à la prison. Ses aveux ayant toutefois été envoyés au moment même où l'hebdomadaire Stern révélait que le fisc enquêtait sur « un grand club sportif bavarois », le juge n'a pas considéré cette dénonciation comme spontanée, condition nécessaire pour échapper à une sanction pénale quand l'escroquerie dépasse le million d'euros. D'autant que le montant du larcin dépassait en fait les 27 millions d'euros.

LÉGENDE VIVANTE

Un mythe s'effondre. Car Uli Hoeness était une légende vivante. Tant en raison de son parcours que des valeurs qu'il professait ou des succès de son club. Au fil des années, le gamin d'Ulm était devenu l'incarnation des vertus que les Allemands aiment s'attribuer. Un époux modèle, bon vivant, adepte du franc-parler, qui, à force de travail, parvient à devenir un leader mondial, tout en restant attaché à ses racines et à une gestion de bon père de famille. Que demander de plus ? Que ce conservateur, très proche de la CSU bavaroise mais en bons termes avec le maire social-démocrate de Munich, s'engage franchement en politique. En 2012, 88 % des Allemands le souhaitaient. En février 2013, alors que son autodénonciation au fisc n'avait pas encore été rendue publique, le Spiegel consacrait même cinq pages à ce patron présenté comme « un modèle pour toute la société ». Ignorant le doute, Uli Hoeness avait fini par convaincre ses compatriotes de sa propre infaillibilité.

Il est vrai qu'Uli Hoeness possède de nombreux atouts. Engagé en 1970 par le Bayern Munich, il se révèle un formidable attaquant. En 1974, 1975, 1976, le club remporte grâce à lui la Coupe des champions (ancêtre de la Ligue des champions). Il joue un rôle majeur dans la victoire de la Nationalmannschaft contre les Pays-Bas en finale du Mondial 1974. Si une blessure au genou met prématurément fin à sa carrière en 1979, elle lui permet de révéler ses talents de gestionnaire. Nommé à 27 ans directeur du Bayern, il prend les rênes d'un club dont le chiffre d'affaires s'élève à 12 millions de marks mais dont les dettes se montent à 7 millions.

Tag(s) : #Fiscalité, #Allemagne